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Stéphane Saubole - Rédacteur

Musique - Inédit - Miles à Andernos - Décembre 2012

16 Décembre 2012 , Rédigé par stephanesaubole Publié dans #Musique

Miles, ange maudit, mais jamais déchu !

 

Sur scène, Miles Davis était toujours magnifique… malgré une santé défaillante, des excès en tous genres et un comportement qui lui valut de tenaces détestations. Mais le Musicien « qui ne se laissait rien prescrire de personne », comme il l’affirmait haut et fort, demeurait imperméable à tous les aléas de l’existence. 


1987 Miles Davis festivalAndernos


    Miles Davis à Andernos-les-Bains, en 1987 (Photo de François Ducasse)  
 

Miles Davis se produisit en deux occasions dans le cadre du festival andernosien : en 1987 puis en 1991, pour son dernier concert en Europe avant son décès, le 28 septembre de la même année, à Santa Monica. A l’intention de ceux qui méconnaîtraient le biotope « bassineyre » - ou  les tribulations de La Berma - Andernos-les-Bains (à marée haute…) est une charmante cité de villégiature girondine.


Depuis 1972, cette station balnéaire a notamment accueilli, (sans être exhaustif !) : Dizzy Gillespie, Stan Getz, Herbie Hancock, Wayne Shorter, Lionel Hampton, Weather Report, Trilok Gurtu, Stanley Clarke, Joe Zawinul, Chick Corea, Bill Evans, Georges Benson, Earl Hines, Eddie Davis, Jay Mac Shann, Mary-Lou Williams, Clark Terry, Cootie Williams, Cab Calloway, Illinois Jacquet, Wild Bill Davis, John Lee Hooker, Luther Allison, Muddy Waters, Chuck Berry, Fats Domino, Junior Wells,  Ray Barreto, Gilberto Gil, Touré Kunda, Jimmy Cliff, Linton Kwesi Johnson, The Last Poets, Stéphane Grapelli, Michel Petrucciani, Aldo Romano, Eddy Louis, Didier Lockwood, Martial Solal, Michel Legrand, Babik Reinhardt, Claude Nougaro, René Lacaille, Christian Vieussens, Elisabeth Kontomanou, Shaolin Temple Defenders, Louis Sclavis, Sweet Mama, Madrugada, Les Doigts de l'Homme, les frères Belmondo, Eric Le Lann… Il y en eut donc pour tous les goûts !

 

Une réjouissante arrogance !

 

S’il semble se remettre d’un éprouvant effort, sur cet instantané inédit de François Ducasse capturé en 1987, Miles Davis ne s’accordait guère de répit devant un public ; comme peut en attester votre serviteur qui admira l’idole au North Sea Jazz Festival, en 1990. L’arrogance qu’il manifestait en presque toutes circonstances apparaît même rétrospectivement réjouissante, à une époque où l’on en a désormais - jusqu’à l’écoeurement -  plein la bouche et les oreilles des mots d’humilité ou de modestie. La componction n’a jamais été le fort de notre homme ! Et alors ? Une interview menée par les frenchies des Enfants du rock, le dévoile à la fois cabot, contradictoire et pourfendeur de clichés stupides !



 
Pourtant, ange maudit, mais jamais déchu, il ne cessa d’être attaqué pendant près de 50 ans de carrière !

Maudit dès ses débuts, parce qu’il ne jouait pas aussi bien - auprès de Bird - que Dizzy, ce qu’il admettait volontiers…

Maudit, lorsqu’il déclara « laisser le blues aux Blancs s’ils le veulent tant ! », avant de revendiquer plus tard cet héritage, au même titre que ceux de Stravinsky ou de Bartok.

Maudit par ceux qui confondirent – où feignirent de… – son légitime militantisme et ses mauvaises humeurs avec un soit-disant racisme envers les «visages pales».

Maudit par les tenant de « l’Ancien Régime », lorsqu’il initia la révolution « électrique », avec les albums In a Silent Way (1969), Bitches Brew (1970) et la Bande Originale A Tribute to Jack Johnson, devenant successivement Mirabeau, Condorcet, Danton, Marat, Saint-Just et Bonaparte ! 

Maudit par quelques-uns de ses pairs – Shut ! Pas trop fort… deux mois avec Miles propulsaient une carrière… - tant il pouvait se montrer odieux avec ses compagnons de jeu.

Maudit par Dave Liebman, car, après des mois avec la même formation, il incorpora subitement, pour la date finale d’une tournée, deux nouveaux musiciens : le guitariste français Dominique Gaumont et le saxophoniste américain Azar Lawrence !

Et le grand Liebman de déclarer :

« Ce qu'il fait, et souvent dans les grands concerts comme celui-là, c'est de changer la donne, en faisant quelque chose de totalement étrange. Totalement inattendu. Voici ce que j'entends par là : nous sommes un groupe en tournée depuis un an... Et puis, soudainement, en public, New York City, Carnegie Hall, l'animal pousse deux types qui ne se sont même jamais vus. Vous vous dites : « Est-il fou ou bien... Il est fou, ou alors, extrêmement subtil. » 

Maudit par des femmes qu’il avait connues, mais là, on peut malheureusement croire que c’était mérité.

Maudit, encore et encore, par les « puristes » pour avoir repris Time after time, une chanson pop de Cindy Lauper, pour s’être comporté comme une rock-star dans les eighties, pour avoir collaboré avec Prince, pour avoir enregistré de « mauvais albums » tels que Decoy (1984), Amandla (1989) ou Tutu (1986)… La bonne blague !

La représentation à Andernos, illustrée par François Ducasse, se situe dans le temps,     quelques mois après la sortie de cet opus dédié à l’archevêque sud-africain Prix Nobel de la paix en 1984. Une production qui rencontra un immense succès populaire, dont la couverture – un portrait d’Irving Penn – appartient désormais à notre imaginaire, mais qui divisa la critique.

Marcus Miller, le compositeur et l’interprète multi-instrumentiste de presque tous les titres de Tutu, en convient avec humour et lucidité dans le documentaire The Miles Davis Story : « Ce qui fut grand avec Tutu, c’est que les gens prirent partie. Ils venaient me voir et me disaient : « L’album est génial et il a changé ma vie ». D’autres disaient : « Tu as ruiné la carrière de Miles. » C’était fantastique, car c’est comme cela que ça doit se passer. »
    
     Marcus Miller évoquant l'album Tutu, dans The Miles Davis Story (6:49)
  

Hermoni ensorceleur, Miles Davis ne sera jamais banni de notre paradis musical, en dépit de ses désobéissances et de ses rébellions. Ange maudit, mais jamais déchu…


Tous les jours, dans le monde entier, nous l’écoutons…

 

Stéphane Saubole 

 

 

 


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S
I agree with you that Miles Davis was indeed a huge star in the stage! Whatever it was his personal life, he transformed into another person on the stage and that was his greatest gift. His music will never be forgotten by anyone.
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S
Thanks snoring mouthpiece ! A great gift !
M
Superbe photo, au plaisir de te lire, à plus<br /> Manuel
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M
Mr Stéfane Saubole 's wonderfull
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