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Stéphane Saubole - Rédacteur

Musique - Inédit - Interview de Juan Rozoff (2) - Octobre 2013

13 Octobre 2013 , Rédigé par stephanesaubole Publié dans #Musique

 

« Je suis nostalgique d'une époque »


 

 

 juan-rozoff-maison-rozoff

         Couverture de l'album Maizon Rozoff (2009, Underdog records)

 

La nostalgie camarades ! Juan Rozoff évoque cette époque bénie du funk en hexagone, quand au début des 90' toutes les scènes du pays accueillaient ses ambassadeurs. L'opportunité pour un funkateer frenchie de 24 ans d'enregistrer avec Maceo Parker, Fred Wesley et Bootsy collins !

 

Stéphane Saubole. Pour en revenir au funk. Existe-t-il un public funk/soul/Juan Rozoff en Espagne actuellement ?

 

Juan Rozofff. Carrément ! Ils sont chauds, chauds bouillant ! En ce moment, je ne sais pas ce qui se passe avec la musique funk noire-américaine ! Ils sont demandeurs, ils pratiquent. Par exemple, hier, j'ai joué un morceau de Prince avec Watchout, un groupe d'ici. Et c'est un putain de groupe de funk. Ils ne rigolent pas une seconde avec les arrangements, avec le jouage (sic)... Le batteur, c'est un tueur, le guitariste, c'est un tueur, le bassiste pareil, les cuivres déchirent... A fond !

 

Watchout au Fender Club, en mars 2010
 

 

StS. Est-ce que cela t'évoque cette période, il y a une vingtaine d'années, avec FFF, la Malka, Human Spirit, Les coquines...

 

 

JR. Oui. Cela me rappelle cette époque. Je vois que tu connais bien.

 

 

L'émission TV Rapido, en 1991 : funky french time ! 
 

StS. J'étais dans la salle...

 

BilletJamesBrown

      Authentique billet donnant accès à un concert de James Brown...

 

JR. Tu étais dans la salle et tu es peut être nostalgique... comme moi. Il y a eu en France un chouette mouvement vers cette musique. Les gens se déplaçaient et c'était extraordinaire pour nous qui pratiquions. Il y avait un écho. Quand tu joues pour un public qui apprécie et qui connaît, c'est toujours plus valorisant que pour deux ou trois « pélos » qui s'en fichent.

 

StS. Je pense que ce qui avait fait exploser le truc, ce fut lorsque Maceo – avec Fred Wesley et Pee Wee Ellis - avait commencé à évoluer en « solo ». Au début des années 90, avec Life on Planet Groove, il tournait beaucoup en France. Cela a été l'un des déclencheurs.

 

MaceoParkerLaNefprogramme

      Programme de la salle de concert La Nef (Angoulême, France), au mitan des 90'

 

JR. C'est un déclencheur, mais on ne peut pas minimiser non plus le fait que Prince cartonnait à la radio avec Kiss ou Purple Rain. Cela joue vachement ! Mais c'est vrai que Maceo, à cette époque, se produisait souvent France. Nous avions assuré ses premières parties pendant un bon moment. A chaque fois, c'était extraordinaire, quels que soient les titres, les accompagnateurs ! Maceo a ce génie de la funk, au niveau du phrasé, du son, de... Il a compris ce que c'était ! Ses concerts sont toujours fascinants. Quelle que que soit l'équipe. Moi, j'ai adoré plusieurs de ses équipes. En effet, je crois que le fait que Maceo représente la funk a eu une influence.

 

« C'était trop fort pour moi ! »

 

StS. On va t'en faire parler de nouveau, on est obligé ! Cet enregistrement mythique avec Fred Wesley, Maceo Parker, Bootsy Collins... Quel fut l'histoire ?

 

JR. L'histoire se révèle extraordinaire. C'est en 1990. Mon album venait de sortir chez Barclay. Et ma mère découvrait le mot funk. Parce qu'elle ne savait pas ce que je faisais vraiment. « Funk, funk, c'est quoi funk ? » J'essaye de lui expliquer, je lui cite des artistes de référence comme James Brown etc... Et, un jour, elle revient du dentiste avec une page arraché dans un magazine comme on en trouve dans les salles d'attente. Elle me montre la photo d'un mec qui s'appelle Bootsy Collins. L'article était intitulé « Bootsy Collins, la revanche du funk sur le rap ». Je m'en souviens très bien. A cette époque, je commençais à avoir un petit pressbook, avec les premiers articles qui parlaient de moi. J'étais très fier, évidemment, et je me suis mis à collectionner ces publications, en bon mégalo que j'étais. J'étais content qu'il y ait un petit peu de presse. Tout cela pour dire que j'ai inséré dans ce pressbook la photo de Bootsy ; parce qu'il avait une super basse, ses bottes incroyables, ses lunettes... Bootsy Collins ! Et trois semaines plus tard, le Bootsy's Rubber Band était de passage à Paris, avec Maceo et Fred Wesley aux cuivres. J'ignore comment s'est faite la connexion. Peut être par Barclay. On a négocié un bon tarif pour une séance. Eux, cela leur faisait toujours ça de pris. Et ils ont écouté le son, qui leur a plu ! En tout cas, ils n'ont pas trouvé ça à gerber. La preuve, c'est qu'ils sont venus jouer. Depuis cette époque, je suis d'ailleurs resté très ami avec Fred Wesley. C'est une amitié qui dure depuis maintenant presque 25 ans. Nous avons été son groupe, son backing band – les Horndogz - l'année dernière, en Espagne. Ce concours de circonstances incroyable a abouti à deux journées et une nuit de studio. Puis, je suis ensuite parti avec eux en tournée. J'aurais plein d'anecdotes à raconter sur ce truc. Ce fut un grand moment pour moi.

 

 

      Juan Rozoff, les Horndogz et des invités accompagnent Fred Wesley 

 

StS. Quel âge avais-tu ?

 

JR. 24 ans. Et il y avait le saxophoniste de James, l'arrangeur-tromboniste de James, le bassiste qui joue sur Sex Maxhine et pour Funkadelic/Parliament... qui étaient là, réalisant un remix d'un de mes morceaux ! A un certain stade, émotionnellement c'était trop. Il y eut un moment dont je me rappellerai toute ma vie, même si je me rappellerai de tout concernant cette séance. Nous sommes au studio Plus 30. Moi qui sortait de mon petit studio perso, j'arrive dans Star Trek. Donc, un immense espoir grandit quand je découvre la taille de la console, le professionnalisme des techniciens... Bref ! On a réalisé un remix du morceau Et alors, dont Fred a écrit les cuivres. On commence à le bosser. Et Maceo chauffe son sax, avant la séance, sur une cassette que j'ai conservée. Il travaille son arrangement. Bon. Pas difficile pour lui. C'est un tueur. Et une fois qu'il l'a, à un moment, il oublie de faire stop sur l'enregistreur. Et on est passé à un autre morceau. Cet autre titre, c'était Templo de Salomon, que j'avais fait en quatre pistes dans ma piaule de bonne. D'un coup LA ! Génial ! Autant je pense que le morceau où il intervenait en tant que pro ne le fascinait pas... Par contre, sur Templo de Salomon, il s'est mis à jouer « à la Maceo », c'est à dire à chorusser comme un malade. Il s'arrête, il me regarde : « Yeah ! That's funky man ! ». Et il commence à vraiment chauffer, à kiffer. Il me demande : « Who play the guitar ? » Je luis réponds : « I do ». Et il me dit : « Good Man ». Et il continue. Il « saxophonise » ! Puis il m'interroge : « Who play the bass ? » Je lui dis : "I do". Je lui explique que je jouais tout. C'était une petite maquette. Et le mec, il a joué avec tant d'intensité et de manière tellement géniale sur cette compo, que j'ai pensé : « Putain ! Mais pourquoi ce n'est pas ça qu'on enregistre ! C'est tellement génial ce qu'il est en train de jouer ! » Et c'était trop fort émotionnellement. J'ai été me cacher derrière des amplis pour chialer. C'était trop fort pour moi.

 

JuanRozoffJamSession2

      Jam Session, le premier album du Juan  ! 

 

 

 

« Un pic de funk en France »

 

StS. En 1990, le funk était, d'une certaine façon, déjà un revival.

 

JR. Non, pas dans notre pays, parce qu' il n'y avait pas d'équipe française.

 

StS. Raoul Petite ?

 

JR. Ah oui ! Complètement. D'ailleurs, j'ai accompagné Carton (N.R.DL. : Carton, de son vrai nom Christian Picard est le chanteur du groupe Raoul Petite depuis sa création en 1979) pendant un moment en qualité de musicien. J'adore Raoul Petite. Il existait également un très bon groupe marseillais qui s'appelait Marché Noir.

 

StS. Il y avait Les Complètement, Demain les poulpes, à Rennes

 

JR. Absolument ! Il est vrai qu'il existait des groupes un peu isolés, mais pas de véritable mouvement. Et il y a eu un pic, pour le funk en France, approximativement de 1990 jusqu'en 93-94. Mais je pense que nous ne sommes pas une nation « under a groove ». Pas du tout ! Notre culture ne s'inscrit pas dans la danse. Peut être la bourrée auvergnate, mais je ne suis pas auvergnat et je ne connais pas les pas ! Je le dis sans me moquer. Alors qu'ici, en Espagne, c'est une nation rythmique. Or, en France, nous avons une petite galère de ce côté-là ! On est un peu le canard boiteux. Car, mon truc à moi - la funk en général, mais ma funk en particulier – est basé sur le rythme et les changements rythmiques. Or, ici, il captent très bien.

 

MalkaFamilyTousdesoufs

      Couverture de l'album Tous des ouf ! (1992)

 

StS. N'a-t-il pas manqué de grandes voix à tous ces groupes français des 90' ? Sans vouloir offenser personne, ces formations comme Malka Family étaient musicalement très au point mais n'avaient pas – exceptés Marco Prince et toi - LE grand chanteur qui tuait.

 

JR. A mon sens, la Malka était une machine à danser géniale, mais je trouvais les chants et les textes un peu light. Après, qui suis-je, pour dire cela ! Par ailleurs, je ne crois pas que Marco ou moi sommes de grandes voix. Le charisme de Marco est ailleurs... Dans une énergie... Ce n'est pas Stevie Wonder. Et moi non plus ! Pas du tout ! Le débat est ailleurs. L'intérêt que nous suscitons – si intérêt il y a ! – ne réside pas dans nos performances vocales. Je ne le perçois pas comme ça. Mais peut être a-t-il justement manqué une vraie putain de voix pour populariser tout cela un peu plus. Pour en revenir à FFF – qui sont des potes – ils offraient des concerts incroyables, avec une grosse énergie, un rendu extraordinaire. Mais, je te le dis sincèrement : pour moi, ce n'est pas de la funk.

 

 

      FFF adoubés par George Clinton, dans le clip New Funk Generation

 

StS. C'est de la fusion ! Et le premier album était plus funk...

 

FFF - blast culture

      L'aventure discographique de FFF a débuté en 1991, avec Blast Culture

 

JR. C'est une fusion plutôt rock... Après, c'est subjectif ! Ce qui l'est pour toi ne l'est pas forcément pour moi et « Lycée de Versailles » ! Ce qui est certain, c'est que les gens qui sont ensuite venus, soit-disant, représenter la funk... comme Sinclair ou des mecs comme ça... Là, je me suis totalement désolidarisé. Si ça c'est de la funk, moi j'arrête la funk. Ce n'est pas pour critiquer Sinclair. Ce qu'il fait est respectable et il le fait bien. Mais, là est le problème en France ! On « variétise » un peu tout. Le représentant du rock en France, c'est Jonnhy. Pour moi, c'est juste de la variété !

 

StS. Il y avait Le cri de la mouche, à l'époque, dont j'étais fan.

 

Lecridelamouchealbum

      Album éponyme du groupe Le Cri de la mouche (1989)

JR. C'était très bien Le cri de la mouche. Et, d'ailleurs, Bazbaz a continué.

 

LeCridelamoucheInsomnies

      Insomnies, le second opus du "Cri" (1991)


StS. Thomas Kuhn s'est tué accidentellement... Lui, il avait une voix !

 

JR. C'était trop triste... Oui, il y avait Le cri de la mouche, effectivement... Il y avait des groupes et il y en aura toujours.

 

 

Propos recueillis par Stéphane Saubole  

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