Arts - Soussan-Morin - Site France 3 - Décembre 2011
« Impossible d’expliquer par les mots ce qui se passe dans le rond. D’où la poésie. D’où le chant, ou Garcia
Lorca. »
« Le style d’un torero est aussi individuel et privé que sa prière à la Vierge. Chaque torero inscrit son poème avec ses propres mots, avec la prosodie raffinée de ses passes qu’il
aspire à convertir en chant. »
Juvenal Acosta
Il serait probable que, comme l’affirme Juvenal Acosta, seule la transcendance de l’art révélât une part de la magie qui exhale des ruedos…
Mais nous inscririons-nous en faux en évoquant – avec la poésie et le chant, cités par l’écrivain mexicain - les expressions picturales les plus abouties ? Ainsi, le peintre sculpteur Nathalie Soussan-Morin huma l’hubris des ruedos et sut y
captiver ses plus fortes fragrances. Ses citations tauromachiques saisissent sur la toile l’élan féroce du toro brave, les charges des fauves se mariant avec l’impérieux mouvement des couleurs.
Sur un autre registre, des bronzes réalisés en détails essentiels se révèlent comme autant d’hommages aux « sangs » des animaux sauvages. D’autres tableaux proposent des graphies
rehaussées de feuille d’or sur fonds « ocre jaune » ou « rouge ponceau ». L’aficionado y aura reconnu les fers de fameux élevages, comme marqués dans le sable de l’arène… Les
hommes ne sont pas oubliés dans son oeuvre, avec des figurations très stylisées de matadors et de leur toreo. Enfin, la verticale peinture Cagancho est dédiée au légendaire cheval de rejoneo du
cavalier Pablo Hermoso de Mendoza. L’équin « qui ensorcelait les toros » y galope fièrement…
Flamenco et émotions
Comme un bonheur n’est jamais orphelin, Nathalie Soussan-Morin nous fait également partager, très au-delà des frontières de l’Andalousie, l’universalité des émotions que suscite la culture flamenca, « musique pour les yeux de l’âme et pour l’oreille du cœur ». Figuratives certes, mais toujours d’un cran au dessus du réel, ses œuvres échappent toujours à une restitution captieuse. Il est vrai que la maîtrise technique de l’artiste – une « main » qui confesse sans repentirs – interprète une sensibilité à fleur de chair. Et puis on ne prépare pas de « lit de Procuste » aux protagonistes du Flamenco ! Baptisée La Yerbabuena, du nom de la célèbre « bailaora », une toile diaprée de sang et d’or restitue son altière beauté. Une autre représentation est consacrée à l’envoûtante et inclassable Ana Yerno, danseuse, chorégraphe et chanteuse. Et méconnaîtrions-nous à jamais les belladones d’Humeurs d’Andalousie ou de la série Casa Anselma, leurs expressivités, leurs embrasements, leurs indicibles postures interdissent pour elles tout anonymat. Il semblerait Nathalie Soussan-Morin fût parvenu à convoquer une humanité qui nous remue le sang.
Stéphane Saubole